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Portrait de Rachel et Hannah

Bienvenue sur notre album !

Je m'appelle Rachel, j'ai 8 ans et je vis à Paris avec mes parents et ma grande sœur, Hannah. Pour ses 13 ans, mes parents lui ont offert un appareil photo car depuis qu’elle est toute petite elle rêve d’être photographe. Je ne l'ai jamais vue aussi heureuse. J’ai hâte de pouvoir coller nos photos dans notre album de famille.

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Documents pour la classe

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"C’est bien la guerre qui déferle sur Berlin."

Témoignage d’une femme à Berlin

 

« Vendredi 20 avril 1945, 16 heures

Oui, c’est bien la guerre qui déferle sur Berlin. Hier encore, ce n’était qu’un grondement lointain, aujourd’hui, c’est un roulement continu. On respire les détonations. L’oreille est assourdie, l’ouïe ne perçoit plus que le feu des gros calibres. Plus moyen de s’orienter. Nous vivons dans un cercle de canons braqués sur nous, et il se resserre d’heure en heure.

A intervalles, les longues pauses d’un silence devenu inhabituel. On remarque soudain le printemps. Des ruines noircies du quartier s’élèvent par bouffées les senteurs des lilas oubliés dans des jardins sans maîtres.  […] Chez le boulanger, j’ai entendu dire que les Russes se trouvaient maintenant à proximité de Weissensee et de Rangsdorf. Je me suis souvent baignée à la plage de Rangsdorf. Je tente l’expérience de prononcer la phrase tout haut : « Les Russes sont à Rangsdorf. » Rien à faire, ça sonne mal. A l’est, aujourd’hui, un ciel rouge feu, des incendies à n’en plus finir.

13 heures, je rentre d’être allée chercher du charbon. J’ai marché vers le sud et sans doute en direction du front. Le tunnel du tramway est déjà barricadé. […] La Berlinerstrasse est déserte, à moitié éventrée et barricadée de tous côtés. Des queues devant les magasins. Des visages abrutis sous le vacarme des canons. Des camions roulaient en direction de la ville. Derrière se traînaient des silhouettes crasseuses, maculées de boue, couvertes de bandages en lambeaux, des faciès sans expression. Un convoi de chars à foin. Aux barricades, le Volkssturm monte la garde en uniformes rapetassés de pièces de toutes les couleurs. On y voit des enfants d’une jeunesse effarante, des visages blancs comme le lait sous des casques d’acier trois fois trop grands, on perçoit avec horreur le timbre de leurs voix claires. »

 

Une femme à Berlin, journal 20 avril-22 juin 1945, Paris, Gallimard, 2009 (coll. Folio)

"Le camp est devenu un no man's land."

Témoignage de Marcel Wainstain, juif polonais déporté de France en 1942

 

« Il y a eu une grande confusion lors de l’évacuation. On nous a fait sortir dans la cour, il faisait -25 degrés. À la faveur du désordre qui régnait dans le camp (les SS étaient occupés à brûler tous les documents qu’ils pouvaient), nous nous sommes cachés où nous pouvions : dans les greniers, la cave. Certains SS sont rentrés dans le stock de vêtements et en sont ressortis déguisés en civils. Puis, après leur départ et celui des surveillants armés, le camp est devenu une sorte de no man’s land. […]

On est sortis dans la cour, malgré le froid glacial. On a attendu, dans le silence. J’ai l’impression que cela a duré plusieurs jours. Nous n’avions plus rien à manger. Au moment de l’évacuation, plusieurs prisonniers avaient assailli les cuisines des SS et s’étaient jetés sur les conserves de bœuf et de choux qu’ils avaient trouvées. Ils en sont morts, morts de diarrhée ou d’avoir trop mangé. […]

Puis, au milieu du silence, on a entendu une grande explosion. On a tout de suite compris que c’était les Soviétiques qui venaient de faire exploser l’enceinte en béton du camp […] Alors est arrivée l’avant-garde de l’armée soviétique. C’était très émouvant : c’était des femmes. […] Elles n’étaient pas très nombreuses, peut-être entre 50 et 100 […] Je ne me rappelle pas avoir vu des sourires sur leur visage. Elles ont dû voir dans quel état on était. Nous, nous avons compris qu’elles n’allaient pas nous tuer. »

 

Extrait d’un témoignage recueilli par Claude Kovac, www.libération.fr

Documents pour la classe

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"C’est bien la guerre qui déferle sur Berlin."

Témoignage d’une femme à Berlin

 

« Vendredi 20 avril 1945, 16 heures

Oui, c’est bien la guerre qui déferle sur Berlin. Hier encore, ce n’était qu’un grondement lointain, aujourd’hui, c’est un roulement continu. On respire les détonations. L’oreille est assourdie, l’ouïe ne perçoit plus que le feu des gros calibres. Plus moyen de s’orienter. Nous vivons dans un cercle de canons braqués sur nous, et il se resserre d’heure en heure.

A intervalles, les longues pauses d’un silence devenu inhabituel. On remarque soudain le printemps. Des ruines noircies du quartier s’élèvent par bouffées les senteurs des lilas oubliés dans des jardins sans maîtres.  […] Chez le boulanger, j’ai entendu dire que les Russes se trouvaient maintenant à proximité de Weissensee et de Rangsdorf. Je me suis souvent baignée à la plage de Rangsdorf. Je tente l’expérience de prononcer la phrase tout haut : « Les Russes sont à Rangsdorf. » Rien à faire, ça sonne mal. A l’est, aujourd’hui, un ciel rouge feu, des incendies à n’en plus finir.

13 heures, je rentre d’être allée chercher du charbon. J’ai marché vers le sud et sans doute en direction du front. Le tunnel du tramway est déjà barricadé. […] La Berlinerstrasse est déserte, à moitié éventrée et barricadée de tous côtés. Des queues devant les magasins. Des visages abrutis sous le vacarme des canons. Des camions roulaient en direction de la ville. Derrière se traînaient des silhouettes crasseuses, maculées de boue, couvertes de bandages en lambeaux, des faciès sans expression. Un convoi de chars à foin. Aux barricades, le Volkssturm monte la garde en uniformes rapetassés de pièces de toutes les couleurs. On y voit des enfants d’une jeunesse effarante, des visages blancs comme le lait sous des casques d’acier trois fois trop grands, on perçoit avec horreur le timbre de leurs voix claires. »

 

Une femme à Berlin, journal 20 avril-22 juin 1945, Paris, Gallimard, 2009 (coll. Folio)

"Le camp est devenu un no man's land."

Témoignage de Marcel Wainstain, juif polonais déporté de France en 1942

 

« Il y a eu une grande confusion lors de l’évacuation. On nous a fait sortir dans la cour, il faisait -25 degrés. À la faveur du désordre qui régnait dans le camp (les SS étaient occupés à brûler tous les documents qu’ils pouvaient), nous nous sommes cachés où nous pouvions : dans les greniers, la cave. Certains SS sont rentrés dans le stock de vêtements et en sont ressortis déguisés en civils. Puis, après leur départ et celui des surveillants armés, le camp est devenu une sorte de no man’s land. […]

On est sortis dans la cour, malgré le froid glacial. On a attendu, dans le silence. J’ai l’impression que cela a duré plusieurs jours. Nous n’avions plus rien à manger. Au moment de l’évacuation, plusieurs prisonniers avaient assailli les cuisines des SS et s’étaient jetés sur les conserves de bœuf et de choux qu’ils avaient trouvées. Ils en sont morts, morts de diarrhée ou d’avoir trop mangé. […]

Puis, au milieu du silence, on a entendu une grande explosion. On a tout de suite compris que c’était les Soviétiques qui venaient de faire exploser l’enceinte en béton du camp […] Alors est arrivée l’avant-garde de l’armée soviétique. C’était très émouvant : c’était des femmes. […] Elles n’étaient pas très nombreuses, peut-être entre 50 et 100 […] Je ne me rappelle pas avoir vu des sourires sur leur visage. Elles ont dû voir dans quel état on était. Nous, nous avons compris qu’elles n’allaient pas nous tuer. »

 

Extrait d’un témoignage recueilli par Claude Kovac, www.libération.fr